L’association entre la consommation intensive de marijuana et la diminution de l’activation du système immunitaire

La marijuana est une substance largement utilisée, particulièrement chez les personnes séropositives qui la consomment pour réduire la douleur chronique, la nausée, l’anxiété et la dépression et pour améliorer l’appétit.

Comme mentionné dans TraitementActualités 223, une inflammation excessive et l’activation du système immunitaire chez les personnes séropositives est seulement partiellement réduite avec le traitement (TAR). Ainsi, les chercheurs étudient les options supplémentaires pour essayer de réduire ces conséquences de l’infection par le VIH.

La recherche en laboratoire suggère que la marijuana ou ses extraits peuvent réduire l’inflammation et l’activation du système immunitaire. Il y a un intérêt en ce qui concerne la détermination à savoir si la marijuana peut avoir les mêmes effets chez tout le monde.

Une équipe de chercheurs de San Francisco a analysé les échantillons sanguins entreposés de 185 utilisateurs de TAR séropositifs, dont certains ont déclaré consommer de la marijuana. Les chercheurs ont découvert que les participants avaient des niveaux de cellules actives du système immunitaire réduits, surtout les cellules T, dans leur sang. Ils ont également découvert qu’il y avait des niveaux réduits des autres cellules du système immunitaire qui pourrait inciter l’inflammation et la maintenir.

Ces découvertes devraient être considérées comme préliminaires, puisque la présente étude n’était pas en mesure de prouver que la consommation de marijuana jouait un rôle dans la diminution de l’activation du système immunitaire. Toutefois, la présente étude était nécessaire et fournit des bases solides afin de concevoir des études robustes pour déterminer si la consommation intensive ou légère de marijuana peut mener à une réduction des conditions inflammatoires et à une santé améliorée.

Détails de l’étude

Dans le cadre d’une étude auprès de plus de 1500 personnes séropositives, les chercheurs ont analysé des échantillons sanguins provenant de 198 participants. Parmi ce dernier groupe, 65 participants ont déclaré une consommation quotidienne de marijuana (ce que les chercheurs ont qualifié d’« intensif »). Les chercheurs ont assujetti les échantillons sanguins à des analyses poussées, y compris pour vérifier la présence de plusieurs cannabinoïdes, les composés dans la marijuana responsables de ses effets.

Le profil moyen des participants au moment de leur entrée dans l’étude était le suivant :

  • 87 % d’hommes, 13 % de femmes
  • Âge — 53 ans
  • Compte de CD4+ — 533 cellules/mm3
  • Compte de CD8+ — 972 cellules/mm3
  • Charge virale — moins de 75 copies/ml (la plus basse limite de quantification utilisée dans cette étude)
  • Durée de la suppression virale — quatre ans
  • Temps écoulé depuis le diagnostic de VIH — 17 ans

Résultats — Vérifier l’exposition à la marijuana

Comme mentionné précédemment, les chercheurs ont assujetti les échantillons sanguins des participants à des tests exhaustifs, y compris l’analyse du sang pour la présence de cannabinoïdes.

Parmi les cinq personnes ayant déclaré ne pas consommer de marijuana, les chercheurs ont trouvé la présence de deux cannabinoïdes ou plus dans leur sang. Parmi les huit personnes ayant déclaré une consommation quotidienne de marijuana, les chercheurs n’ont pas trouvé de taux significatifs de cannabinoïdes dans leur sang. Ils ont donc décidé d’exclure ces 13 personnes des analyses futures, portant le compte des échantillons des gens à utiliser pour l’étude à 185.

Résultats — Inflammation et activation du système immunitaire

  • Les chercheurs ont découvert que les consommateurs de marijuana intensifs avaient des taux significativement réduits de cellules activées CD4+ et CD8+ (écrit tel que CD4+ HLA-DR+ CD38+ et CD8+ HLA-DR+ CD38+), en comparaison avec les non-consommateurs.
  • Les taux d’un autre groupe de cellules (monocytes) du système immunitaire qui libèrent les protéines CD14+ et CD16+ à leur surface étaient réduits chez les consommateurs intensifs et modérés de marijuana en comparaison avec les non-consommateurs.
  • Un autre groupe de cellules du système immunitaire s’appelle les cellules dendritiques. Les chercheurs ont découvert qu’une sous-catégorie de ces cellules, les cellules dendritiques myéloïdes, était « significativement plus basse chez les groupes de consommateurs intensifs ou modérés de cannabis en comparaison avec le groupe des non-consommateurs ».
  • Un autre groupe de cellules du système immunitaire appelées les CPA (cellules présentatrices d’antigènes), qui produisent des signaux chimiques de l’inflammation, était réduit de manière significative chez les consommateurs intensifs par rapport aux autres participants.

À garder en tête

Mises ensemble, les découvertes de la présente étude étaient hautement suggestives de la capacité de la marijuana à réduire l’activation du système immunitaire et jusqu’à un certain point, l’inflammation. L’étude était renforcée par la capacité qu’avaient les chercheurs à analyser les échantillons de sang des participants pour déterminer la présence de composés clés trouvés dans la marijuana. La réduction de l’activation du système immunitaire et de l’inflammation se produisait parce que certains composés de la marijuana étaient en mesure d’interférer avec le fonctionnement du système immunitaire. Il n’y avait pas de signe dans la présente étude que cette interférence avec le système immunitaire était nocive (même si les chercheurs ne semblaient pas évaluer cet aspect). Des études sont nécessaires pour évaluer l’innocuité à court terme et à long terme de la consommation de marijuana.

Cependant, puisque la présente étude était de conception observationnelle, elle ne prouve pas que la consommation de marijuana causait la diminution de l’activation du système immunitaire et de l’inflammation. Toutefois, la présente étude fournit une fondation pour concevoir une étude ultérieure plus robuste. Une telle étude devrait examiner minimalement les points suivants :

  • Quelles souches de marijuana ont été utilisées?
  • Quel était le mélange relatif de cannabinoïdes dans ces souches?
  • Comment la marijuana était-elle consommée — fumée, ingérée (produits comestibles) ou vaporisée?
  • Quelles étaient la quantité de marijuana consommée et la fréquence de la consommation?
  • La marijuana a-t-elle interagi avec le TAR ou les autres médicaments couramment utilisés par les personnes co-infectées?
  • Y a-t-il des différences dans les effets de la marijuana selon les genres?

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Manuzak JA, Gott TM, Kirkwood JS, et al. Heavy cannabis use associated with reduction in activated and inflammatory immune cell frequencies in antiretroviral therapy-treated human immunodeficiency virus-infected individuals. Clinical Infectious Diseases. 2018; in press.