Saturn : résultats finaux d’une étude sur la rosuvastatine (Crestor)

Aux fins d’un essai clinique portant le nom de Saturn, des chercheurs ont réparti au hasard des personnes suivant un traitement anti-VIH puissant (TAR) pour recevoir l’une des interventions quotidiennes suivantes :

  • rosuvastatine 10 mg
  • rosuvastatine factice (placebo)

Les participants étaient majoritairement des hommes d’âge moyen dont les tests sanguins indiquaient la présence d’inflammation excessive.

En moyenne, les taux de mauvais cholestérol (LDL-C) dans les échantillons de sang des participants recevant la rosuvastatine ont baissé de 20 % à 25 % pendant les six premiers mois de l’étude. Cette baisse s’est maintenue jusqu’à la fin de l’essai. De plus, les participants recevant la rosuvastatine n’ont éprouvé qu’un rétrécissement très léger de leurs artères, comparativement aux participants du groupe placebo. Selon certaines évaluations, la rosuvastatine semble avoir réduit l’activation immunitaire causée par le VIH.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont recruté des adultes séropositifs sous TAR qui ne souffraient pas de coronaropathie ou de diabète non maîtrisé. Les tests sanguins ont révélé que les participants avaient des taux élevés d’inflammation et d’activation immunitaires. Les participants ont également subi des tomodensitométries de haute résolution de leur poitrine. Cette technique d’imagerie peut révéler la présence de dépôts dans les artères. Les artères qui contiennent de nombreux dépôts deviennent plus étroites et moins souples et réussissent moins bien à faire couler le sang. Le rétrécissement des artères est une mesure bien établie des maladies cardiovasculaires.

Les chercheurs ont réparti au hasard 72 personnes pour recevoir la rosuvastatine et 75 autres personnes pour recevoir le placebo.

Les participants avaient le profil moyen suivant au début de l’étude :

  • 78 % d’hommes, 22 % de femmes
  • âge : 46 ans
  • compte de CD4+ : 620 cellules/mm3
  • 78 % avaient une charge virale indétectable
  • 50 % prenaient un inhibiteur de la protéase du VIH
  • 64 % fumaient du tabac
  • 33 % avaient un proche parent qui avait eu une crise cardiaque

Au total, 28 participants ont quitté prématurément l’étude, dans les proportions suivantes :

  • rosuvastatine : neuf personnes
  • placebo : 19 personnes

Aucune des 19 personnes n’a quitté l’étude à cause d’effets secondaires perçus ou réels. Il a été impossible d’évaluer une personne à cause d’une tomodensitométrie de faible qualité. Il restait donc 118 personnes dont il était possible d’évaluer les données à la semaine 96.

Résultats : changements dans les lipides

En moyenne, les participants recevant la rosuvastatine ont connu une baisse de 20 % à 25 % de leur taux de mauvais cholestérol (LDL-C). Ce changement est significatif du point de vue statistique lorsqu’on le compare aux utilisateurs du placebo, et il s’est maintenu pendant toute la durée de l’étude.

Les changements dans les taux de bon cholestérol (HDL-C) et de triglycérides n’ont pas été significatifs du point de vue statistique chez les participants recevant la rosuvastatine et les utilisateurs du placebo.

Résultats : changements dans les artères

Les artères transportent du sang frais riche en oxygène vers les tissus et les organes. À cause du vieillissement et des maladies cardiovasculaires, les artères rétrécissent à mesure que des substances y sont déposées.

Il semble que les participants recevant la rosuvastatine n’aient connu qu’un rétrécissement très mineur et lent de leurs artères au cours de l’étude, comparativement au groupe placebo. Cela s’est produit sans égard à l’âge, au sexe, à l’usage d’inhibiteurs de la protéase ou à la présence ou à l’absence de prédiabète ou de diabète.

Résultats : inflammation

Selon les tests habituellement utilisés dans les études sur l’activation et l’inflammation immunitaires liées au VIH, la rosuvastatine n’a pas réduit une telle activation des cellules-T. Elle a toutefois réduit le taux d’activation d’un autre groupe de cellules immunitaires appelées monocytes. Comme ces cellules jouent un rôle dans la formation de caillots sanguins, la réduction de leur activation par la rosuvastatine pourrait s’avérer bénéfique à long terme.

Points à retenir

La rosuvastatine a réussi à réduire significativement le taux de mauvais cholestérol chez les participants sous TAR. Son impact sur les autres lipides a été relativement modeste.

La rosuvastatine a réussi à réduire le taux d’activation de certaines cellules du système immunitaire.

Aucune crise cardiaque ne s’est produite au cours de cette étude. Notons que celle-ci n’a duré que deux ans et a porté sur un nombre relativement faible de participants dont aucun n’avait d’antécédents de maladies cardiovasculaires.

D’autres analyses effectuées par l’équipe Saturn ont révélé que la rosuvastatine n’avait pas d’effet nuisible sur la densité osseuse. Et il est possible qu’elle aide à augmenter légèrement la masse musculaire des jambes.

La grande question

Une question importante reste en suspens : La rosuvastatine réduira-t-elle de façon importante le nombre de crises cardiaques à long terme parmi les personnes séropositives? Malheureusement, l’étude Saturn n’a pas été conçue pour répondre à cette question; les chercheurs ont mis l’accent sur les résultats de laboratoire et d’autres tests plutôt que sur un point d’aboutissement concret comme le nombre de crises cardiaques. La raison de cette concentration sur les résultats de laboratoire et d’autres tests réside dans le fait que les crises cardiaques ne sont pas des événements courants. Il faudra une étude de bien plus grande envergure et de plus longue durée pour répondre aux questions sur l’usage d’une statine et les points d’aboutissement concrets comme le nombre de crises cardiaques et d’AVC. Une telle étude (dénommée Reprieve) a été conçue et aura lieu au Canada en utilisant une statine différente appelée pitavastatine. Le rapport suivant de ce numéro de TraitementActualités parle en détail de l’étude Reprieve.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Longenecker CT, Sattar A, Gilkeson R, et al. Rosuvastatin slows progression of subclinical atherosclerosis in patients with treated HIV infection. AIDS. 2016 Sep 10;30(14):2195-203.
  2. Erlandson KM, Jiang Y, Debanne SM, et al. Effects of 96 weeks of rosuvastatin on bone, muscle, and fat in HIV-infected adults on effective antiretroviral therapy. AIDS Research and Human Retroviruses. 2016 Apr;32(4):311-6.