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  • Selon une étude canadienne menée auprès de personnes ayant la co-infection au VIH et à l'hépatite C, l'accès limité à la nourriture est associé à la présence d'une plus grande quantité de VIH dans le sang et à une baisse de 10 % du nombre de cellules CD4+.
  • Une équipe de recherche ontarienne rapporte que 70 % des participants séropositifs ont fait face à l'insécurité alimentaire au cours de la dernière année, soit six fois plus de personnes que dans la population séronégative.
  • Les chercheurs affirment que l'amélioration de l'insécurité alimentaire sous-jacente pourrait améliorer l'observance thérapeutique et les résultats pour la santé des personnes vivant avec le VIH.

Les chercheurs qui se penchent sur les questions liées à la faim et à l'accès à la nourriture utilisent souvent le terme insécurité alimentaire, auquel ils donnent la définition suivante : « Une capacité limitée ou incertaine d'acquérir des aliments acceptables de façons socialement acceptables, ou encore la disponibilité limitée ou incertaine d'aliments sûrs et adéquats sur le plan nutritionnel ».

Selon une étude menée au Canada entre 2012 et 2015, environ 8 % des Canadiens « font face à l'insécurité alimentaire jusqu'à un certain degré ». Or les études menées auprès de personnes ayant le VIH ont découvert des proportions bien plus élevées de personnes touchées par l'insécurité alimentaire, soit au moins 50 % habituellement.

Parmi les personnes séronégatives, les chercheurs ont trouvé que l'insécurité alimentaire était associée à plusieurs problèmes de santé, y compris l'hypertension et la dépression. De plus, il existe probablement un lien entre l'insécurité alimentaire et un mauvais état de santé général.

Insécurité alimentaire chez les personnes ayant la co-infection VIH/VHC

Des chercheurs affiliés à la Cohorte canadienne de co-infection, une étude s'intéressant à la santé des personnes co-infectées par le VIH et le virus de l'hépatite C (VHC), ont mené un essai clinique auprès de 725 participants qu'ils interrogeaient régulièrement au sujet de leur alimentation. Les chercheurs recueillaient également des données sur  l'état de santé et la situation sociodémographique des participants, en plus d'effectuer des analyses de sang aux trois mois.

Résultats

Selon les chercheurs, les personnes aux prises avec une insécurité alimentaire grave, même de courte durée, étaient plus susceptibles d'avoir une charge virale détectable en VIH et avaient près de 10 % de cellules CD4+ en moins, comparativement aux personnes dont l'accès à la nourriture était sûr. De plus, lorsque les chercheurs ont analysé les données portant sur les personnes qui connaissaient des périodes d'insécurité alimentaire modeste, mais prolongée, ils ont trouvé que cela « avait un impact semblable à celui de l'insécurité alimentaire grave [de plus courte durée] sur la charge virale et le compte de cellules CD4+ ».

Selon les chercheurs, ces résultats font écho à ceux d'autres études et constituent un appui à la masse croissante de données probantes indiquant que « l'insécurité alimentaire est un facteur de risque quant à l'obtention de mauvais résultats lors du traitement des personnes co-infectées par le VIH et le VHC ».

Connexions et conséquences multiples

Même si la présente étude n'a pas été conçue pour évaluer de quelle façon précise l'insécurité alimentaire influence la charge virale et le compte de CD4+, les chercheurs ont laissé croire qu'« une mauvaise observance thérapeutique » jouait probablement un rôle, car ce problème avait déjà été soulevé lors d'autres études sur l'insécurité alimentaire. Les chercheurs ont également ajouté ceci :

« L'observance sous-optimale entraîne la résistance aux médicaments anti-VIH, met la reconstitution immunitaire en danger et accélère la progression vers le sida. De plus, elle risque de modifier considérablement les profils de résistances médicamenteuses dans l'ensemble de la communauté si les patients prennent déjà un régime de deuxième ou de troisième intention. »

Points à retenir

À la lumière de ces résultats, les chercheurs ont fait la déclaration suivante au sujet des personnes co-infectées touchées par l'insécurité alimentaire au Canada : « Les suppléments alimentaires pourraient être une option viable pour améliorer l'observance thérapeutique et les résultats subséquents pour la santé ».

Bien que les chercheurs aient mis l'accent sur les mesures de la santé liées au VIH, ils ont fait valoir que les personnes co-infectées qui avaient de la difficulté à suivre fidèlement leur traitement contre le VIH auraient sans doute aussi de la difficulté à prendre fidèlement un traitement contre le VHC.

En raison des limitations inhérentes à la conception de cette étude, bien que les résultats laissent soupçonner fortement un lien entre l'insécurité alimentaire et les conséquences moins favorables pour la santé des personnes séropositives, ils ne sont pas définitifs. Il est possible que des facteurs non mesurés aient joué un rôle dans les conclusions tirées. En effet, selon les chercheurs, d'autres études avaient dévoilé des raisons différentes pour lesquelles certaines personnes faisaient face à l'insécurité alimentaire, telles qu'un faible revenu, la dépression et les dépendances.  Tous ces facteurs pourraient jouer un rôle dans les mauvais résultats pour la santé des personnes ayant le VIH.

D'autres recherches sont nécessaires pour explorer la problématique de l'insécurité alimentaire chez les personnes vivant avec le VIH. Il n'empêche que la présente étude pourrait stimuler la planification et la mise sur pied de programmes conçus pour régler ce problème.

En Ontario

Des chercheurs du Réseau ontarien de traitement du VIH (OHTN) ont étudié l'insécurité alimentaire parmi les personnes séropositives affiliées aux organismes VIH de la province. Dans un échantillon de 649 personnes sondées entre 2011 et 2013, les chercheurs ont été alarmés de constater qu'un pourcentage élevé d'entre elles, soit 70 %, disaient avoir souffert d'insécurité alimentaire au cours de l'année précédente. Ce chiffre est à peu près six fois plus élevé que ce qui s'observe dans la population séronégative de l'Ontario.

Selon les chercheurs, « Les chefs de familles monoparentales (majoritairement des femmes) ayant des enfants à la maison faisaient état de la plus haute prévalence d'insécurité alimentaire (83 %) ».

Les participants au sondage se sont dits en accord avec les trois énoncés suivants en particulier :

  • « Je m'inquiétais de manquer de nourriture avant d'avoir de l'argent pour en acheter d'autre » : 69 %
  • « Je n'avais pas les moyens de payer des repas équilibrés » : 69 %
  • « La nourriture n'a pas duré et je n'avais pas d'argent pour en acheter d'autre » : 64 %

Les participants ont affirmé que les événements suivants se produisaient à cause de l'insécurité alimentaire :

  • « Je réduis la taille des portions ou saute des repas. » : 41 %
  • « J'ai faim, mais n'ai pas les moyens d'acheter de la nourriture. » : 31 %
  • « J'ai connu une perte de poids non intentionnelle. » : 31 %
  • « Il m'arrive de passer une journée entière sans manger à cause du manque de nourriture suffisante. » : 17 %

À la lumière de leurs résultats, les chercheurs de l'OHTN ont proposé « des interventions multisectorielles d'envergure qui tiennent compte du revenu, du coût des logements, de la consommation de substances et des problèmes de santé mentale » afin de résoudre l'insécurité alimentaire considérable observée dans leur étude. Les chercheurs ont souligné que d'autres recherches avaient fait le lien entre l'insécurité alimentaire et la mauvaise observance du traitement anti-VIH, la dépression, l'hospitalisation et la mort. Tous ces mauvais résultats coûtent de l'argent aux systèmes de santé et à la société. Les chercheurs de l'OHTN ont laissé entendre qu'il serait possible de réduire les dépenses futures en santé publique si l'on mettait en œuvre leurs idées dans le but d'atténuer les causes sous-jacentes de l'insécurité alimentaire.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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