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De nombreuses études ont permis de constater que, en l’espace de plusieurs mois suivant l’amorce d’un traitement contre le VIH (TAR), la quantité de virus dans le sang chute habituellement jusqu’à un niveau tellement faible qu’il n’est plus possible de la mesurer de façon fiable avec les tests de laboratoire de routine. On dit couramment que cette quantité minime de virus est « indétectable ». L’atteinte et le maintien d’une charge virale indétectable contribuent à une amélioration durable de la santé. De plus, les études ont montré que les personnes qui atteignent et maintiennent une charge virale indétectable ne transmettent pas le virus à leurs partenaires sexuels.

Le double effet du TAR, c’est-à-dire l’amélioration de la santé des personnes atteintes du VIH et le ralentissement de la propagation du virus, est tellement puissant que le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a fixé des objectifs que les villes, les régions et les pays devraient aspirer à atteindre d’ici 2020. Ces objectifs sont regroupés sous l’abréviation 90-90-90, qui veut dire :

  • 90 % de toutes les personnes vivant avec le VIH seront au courant de leur statut
  • 90 % de toutes les personnes diagnostiquées séropositives recevront un traitement antirétroviral continu
  • 90 % de toutes les personnes sous traitement antirétroviral auront bénéficié d’une suppression virale

Il faudra franchir plusieurs étapes pour s’assurer que les gens atteignent chaque cible et objectif de la stratégie 90-90-90. Ces étapes sont regroupées sous le terme « cascade des soins du VIH ». Les chercheurs étudient ces étapes pour déterminer si des lacunes existent et les moyens à adopter pour les combler.

Des chercheurs des Centres for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis et d’ailleurs ont analysé les résultats d’un sondage mené auprès de plus de 1 000 professionnels de la santé afin de comprendre pourquoi ils n’auraient pas prescrit le TAR à certains de leurs patients. Depuis 2012, les principales lignes directrices américaines sur le traitement du VIH stipulent que les médecins devraient proposer le TAR à toutes les personnes séropositives, quel que soit leur compte de cellules CD4+. Réalisé entre juin 2013 et janvier 2014, ce sondage a découvert plusieurs obstacles qui expliquent pourquoi certains patients ne se font pas prescrire de TAR. Les raisons courantes dévoilées par les médecins incluaient les suivantes : le refus du patient; la présence de dépendances et/ou de problèmes de santé mentale; et des enjeux d’ordre social comme l’itinérance. Les chercheurs des CDC ont souligné qu’il était possible de surmonter ces obstacles afin de pouvoir améliorer la santé des personnes séropositives et de réduire la propagation du VIH.

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a conçu un sondage qu’il a envoyé ensuite à plus de 1 000 professionnels de la santé travaillant dans plus de 500 cliniques et hôpitaux situés dans 16 états et un territoire des États-Unis. La majorité (75 %) des professionnels de la santé étaient des médecins (principalement des spécialistes des maladies infectieuses ou des médecins de famille), et tous les autres étaient des infirmières ou des adjoints aux médecins. Le sondage consistait en 61 questions et prenait à peu près 30 minutes à remplir.

Résultats : facteurs liés aux professionnels de la santé

La plupart des professionnels de la santé (71 %) ont dévoilé qu’ils prescrivaient le TAR peu importe le compte de CD4+ de leurs patients. Quant aux 29 % qui restaient, ils limitaient l’amorce du TAR en fonction des facteurs suivants et du compte de cellules CD4+ des patients, selon les chercheurs :

  • le fait de compter 20 patients séropositifs ou moins dans sa pratique
  • le fait de travailler dans une clinique ou un hôpital qui ne recevait pas de fonds fédéraux du programme Ryan White sur le VIH/sida
  • le fait que les programmes d’aide aux patients des compagnies pharmaceutiques « ne fournissaient pas assez de médicaments pour répondre aux besoins de leurs patients »

Explorer les raisons du report du TAR

Lorsque l’équipe de recherche a demandé aux professionnels de la santé pourquoi ils reportaient le TAR pour leurs patients, les principales réponses ont été les suivantes :

  • refus du patent
  • préoccupations concernant la capacité du patient de prendre le TAR tous les jours en suivant les prescriptions et consignes à la lettre à cause de « problèmes de consommation de substances ou de santé mentale ou encore en raison de problèmes sociaux comme l’itinérance »

Orientations futures

Selon les chercheurs des CDC, des sondages antérieurs avaient également révélé que les professionnels de la santé qui suivaient un nombre relativement faible de patients atteints du VIH avaient tendance à ne pas se conformer aux lignes directrices sur le traitement du VIH. Pour corriger cette situation, les chercheurs des CDC ont laissé entendre que les autorités de la santé pourraient faciliter le soutien et la formation des professionnels de la santé. Selon une suggestion avancée par les CDC, on pourrait jumeler les professionnels ayant peu de patients séropositifs à des « professionnels de grande expérience ». Ce genre de service est offert par les associations médicales spécialisées. L’équipe des CDC a également souligné que le volet de formation du programme Ryan White comptait « un réseau national d’experts en VIH offrant des services d’éducation, de consultation clinique et d’assistance technique ».

Accent sur les patients

Les chercheurs des CDC ont trouvé que la raison la plus fréquente pour laquelle les professionnels de la santé ne prescrivaient pas le TAR était le refus des patients de le commencer.

Dans le cadre d’une étude menée parallèlement au sondage des médecins, l’équipe des CDC a interrogé des patients séropositifs au sujet du TAR. Selon les chercheurs, les patients ont donné une raison commune pour laquelle ils n’ont pas commencé le traitement : ils ont suivi les conseils de leur médecin.

Quand on les compare, ces rapports provenant des professionnels de la santé et des patients semblent contradictoires. Cependant, l’équipe des CDC a évoqué les résultats d’une autre étude lors de laquelle des paires de médecins et de patients séropositifs avaient été interrogées séparément au sujet du TAR. Les chercheurs ont souligné les points suivants à propos de cette étude :

  • « De nombreux patients ne suivaient pas de TAR parce qu’ils avaient intériorisé les messages de leur professionnel de la santé au fil du temps. »
  • Les professionnels qui « adhéraient à l’approche de soins centrée sur le patient [omettaient] souvent l’offre du TAR, parfois involontairement ».
  • « Les patients ont rapporté que leur professionnel de la santé ne leur avait pas conseillé fortement de prendre le TAR même si, selon plusieurs, une telle recommandation claire serait nécessaire [pour les inciter] à commencer le TAR. »

Pour faire face aux enjeux soulevés par les patients interrogés, les chercheurs des CDC ont affirmé ceci : « Les lignes directrices futures sur le traitement du VIH devraient recommander que les professionnels de la santé conseillent vivement à tous leurs patients d’amorcer le TAR, à moins qu’il existe [des raisons médicales pour ne pas le faire] ou [d’autres barrières] ».

Dépendances et santé mentale

Selon l’équipe des CDC, « les préoccupations concernant les effets de l’abus de substances et des troubles de la santé mentale sur [la capacité des patients de prendre le TAR tous les jours] étaient la deuxième raison la plus courante pour laquelle les médecins décidaient de reporter la prescription du TAR ».

Bien que les dépendances et les problèmes de santé mentale constituent potentiellement des obstacles à l’observance thérapeutique, les chercheurs ont insisté sur le fait que ces problèmes pouvaient être traités et gérés et leur impact sur l’observance minimisé.

Itinérance

Même si les professionnels de la santé ne peuvent résoudre le problème de l’itinérance, d’autres études ont révélé que les sans-abri pouvaient maintenir des taux d’observance semblables à ceux des personnes non itinérantes, a souligné l’équipe des CDC.

Points à retenir

1. Le sondage des CDC auprès des professionnels de la santé a été réalisé avant la publication des résultats concluants de l’étude START au milieu de 2015. Lors de celle-ci, les chercheurs avaient réparti au hasard les participants séropositifs en deux groupes, soit pour commencer immédiatement le TAR (peu importe leur compte de CD4+), soit pour reporter le traitement en attendant que leur système immunitaire se détériore. L’analyse des résultats de l’étude START a révélé que l’amorce immédiate du TAR était associée à l’amélioration des mesures de la santé et à la réduction des risques d’infections et de cancer. À l’avenir, au fur et à mesure que les résultats de l’étude START se répandront au sein des réseaux de professionnels de la santé, il est possible qu’un plus grand nombre d’entre eux soient incités à encourager vivement leurs patients à commencer le TAR dès que possible.

2. L’étude des CDC était fondée sur l’auto-déclaration des comportements par les professionnels de la santé. Comme les chercheurs n’ont pas été en mesure de vérifier les dossiers médicaux ou d’interroger les patients des professionnels sondés, il est possible que certains d’entre eux aient donné de l’information contradictoire ou inexacte.

Peu importe ces bémols possibles, les chercheurs des CDC ont bel et bien découvert des obstacles à l’utilisation plus répandue du TAR qui existaient au moment du sondage. Il est peu probable que tous ces obstacles aient complètement disparu. Dans la tentative d’atteindre les cibles 90-90-90, il faudra prêter plus d’attention aux lacunes de la cascade des soins du VIH.

Ressources

Pourquoi certaines personnes séropositives hésitent à commencer le TARTraitementActualités 210

La cascade du traitement du VIH – colmater les fuites afin d’améliorer la prévention du VIHPoint de mire sur la prévention

La cascade de la participation aux soinsVision positive

Résumé : Mesurer le progrès réalisés par le Canada en ce qui concerne les cibles 90-90-90 pour le VIH – ASPC

90-90-90 : Une cible ambitieuse de traitement pour aider à mettre fin à l’épidémie du sida – ONUSIDA

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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