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La recherche a révélé que le fait de prendre un traitement antirétroviral (TAR) tous les jours en suivant les prescriptions et consignes à la lettre — c’est-à-dire l’observance thérapeutique —, permet généralement d’améliorer les mesures de la santé. Cela se produit parce que, dans les quelques mois suivant l’amorce du TAR, la quantité de VIH dans le sang chute habituellement jusqu’à un niveau tellement faible qu’il n’est plus possible de la mesurer de façon fiable avec les tests de laboratoire de routine. On dit couramment que cette quantité minime de virus est « indétectable ». Les essais cliniques ont montré que les personnes qui atteignent et maintiennent une charge virale indétectable ne transmettent pas le virus à leurs partenaires sexuels.

Accent sur l’observance

L’observance thérapeutique est importante pour connaître les bienfaits du traitement de n’importe quelle maladie. Dans le contexte de l’infection au VIH, les études ont permis de constater qu’un taux très élevé d’observance (95 % ou plus) était nécessaire pour maintenir une bonne santé et les bienfaits préventifs du TAR. Comme une excellente observance est essentielle au succès du traitement et de la prévention du VIH, des équipes de chercheurs continuent de l’étudier.

Colombie-Britannique

Des chercheurs au Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique et ailleurs à Vancouver collectent des données sur l’observance thérapeutique des personnes séropositives depuis 15 ans. L’analyse de ces données a révélé que la proportion de personnes faisant preuve d’une observance optimale du TAR était considérablement plus faible parmi les femmes (57 %) que parmi les hommes (77 %).

Nos lecteurs devraient noter que cette étude britanno-colombienne n’a pas été conçue pour découvrir les raisons de ces différences en matière d’observance. Elle constitue tout de même un bon premier pas vers la conception d’une étude et la rédaction et la soumission d’une demande de financement aux bailleurs de fonds potentiels. Espérons que cette demande sera acceptée afin que l’on puisse mener une étude auprès des femmes séropositives pour mieux comprendre les raisons de la mauvaise observance thérapeutique de certaines d’entre elles. Les résultats d’une telle étude pourraient ensuite être utilisés pour améliorer les services existants destinés aux femmes séropositives et les soutenir par rapport à l’observance.

Estimer l’observance

L’évaluation directe de l’observance prend beaucoup de temps et coûte cher. Ainsi, les chercheurs de l’équipe de Vancouver ont évalué indirectement l’observance en examinant les dossiers des pharmacies pour déterminer si les ordonnances étaient renouvelées dans les délais prescrits. Cette méthode d’évaluation indirecte de l’observance a été validée lors d’études antérieures menées auprès de personnes vivant avec le VIH.

L’équipe a évalué l’observance tous les six mois. Voici un exemple fourni par les chercheurs :

« Sur une période de six mois, ou 183 jours, supposons qu’une personne fasse exécuter ses ordonnances avec sept jours de retard. Dans ce cas, l’observance serait calculée en divisant 176 (nombre de jours pour lesquels la personne a des médicaments) par 183 jours, ce qui donne un taux d’observance de 96 %. »

Utiliser les données de renouvellement des pharmacies pourrait sembler une manière simpliste d’estimer l’observance parce que aller chercher ses renouvellements et prendre fidèlement ses comprimés sont des habitudes différentes. Cependant, comme nous l’avons déjà mentionné, l’examen des renouvellements d’ordonnances des pharmacies a été validé par d’autres études comme moyen d’estimer l’observance, et il existe un lien avec la charge virale des patients. Spécifiquement, les personnes dont les données de renouvellement indiquaient une observance sous-optimale étaient plus susceptibles d’avoir une charge virale détectable dans cette étude.

En cette époque où le financement de la recherche sur le VIH augmente si peu, il est probable que d’autres chercheurs auront recours aux données de renouvellement des pharmacies pour estimer le taux d’observance global des populations qu’ils étudient, quelles qu’elles soient.

Aux fins de leur analyse, les chercheurs de Vancouver ont recueilli des données auprès de 4 534 personnes séropositives entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2014. Le suivi moyen des participants a duré environ cinq ans et demi.

Résultats

Ayant défini l’observance optimale comme un taux de 95 % ou plus, les chercheurs ont trouvé que les taux d’observance optimale généraux étaient les suivants :

  • femmes : 57 %
  • hommes : 77 %

Cette différence est significative du point de vue statistique, c’est-à-dire non attribuable au seul hasard.

Les résultats obtenus en Colombie-Britannique font écho à ceux rapportés par des chercheurs d’autres pays à revenu élevé qui ont étudié l’observance du TAR.

Raisons possibles

Même si cette étude n’a pas été conçue pour déterminer les raisons de la mauvaise observance, l’équipe de Vancouver a laissé croire que les femmes inscrites à son étude étaient peut-être vulnérables à des facteurs qui compromettaient leur observance. Selon les chercheurs, ces facteurs seraient liés à la race/ethnie, aux antécédents d’abus et à la consommation de drogues, entre autres. Nous explorons certains de ces enjeux dans la section suivante.

Ascendance autochtone

Les chercheurs ont observé que, dans l’ensemble, les personnes autochtones étaient moins susceptibles de faire preuve d’une excellente observance thérapeutique que les personnes non autochtones. Pour expliquer ce lien, l’équipe a souligné les points suivants en rapport avec le contexte canadien :

  • Les Autochtones sont touchés de façon disproportionnée par le VIH.
  • Les Autochtones reçoivent des « soins de moindre qualité pour le VIH ».
  • Les Autochtones connaissent des résultats moins favorables sur le plan de la santé.

Héritage durable

Selon les chercheurs, « Les résultats moins favorables sur le plan de la santé que connaissent les Autochtones, telles [la morbidité et la mortalité] liées au VIH, ne peuvent être discutés sans que l’on fasse le lien avec l’histoire de colonisation, de marginalisation et de criminalisation de la culture au Canada. L’impact négatif de l’héritage colonial canadien se reflète encore dans les taux disproportionnés de consommation de drogues, d’alcoolisme et de suicide, ainsi que dans [la propagation continue du VIH parmi les peuples autochtones]… Dans le contexte du colonialisme, il existe un besoin de compétence culturelle dans la prestation des soins du VIH, afin de soutenir l’observance du TAR et de renforcer la confiance entre patients autochtones et professionnels de la santé non autochtones ».

Injection de drogues

Les chercheurs ont tenu compte de l’usage de drogues injectables pour déterminer s’il avait un impact sur l’observance. Cependant, ils ne disposaient pas de données sur l’injection de drogues pour 55 % des participants. Il est possible que ce manque d’information ait faussé par inadvertance les conclusions des chercheurs. Parmi les participants pour lesquels ces données étaient disponibles, le sexe (le fait d’être femme dans ce cas) était encore le principal facteur lié à la mauvaise observance.

Enjeux parmi les femmes

Il est possible que des facteurs touchant les femmes aient eu un impact sur leur capacité de suivre fidèlement le TAR. Voici quelques possibilités mentionnées par les chercheurs :

  • Il est possible que les femmes aient éprouvé davantage d’effets secondaires des médicaments que les hommes.
  • Il est possible que les femmes aient reçu moins de soutien social que les hommes, ce qui aurait pu les amener à se sentir isolées et stressées et moins capables de faire face au VIH.
  • De nombreuses femmes doivent assumer des responsabilités concurrentes, comme prendre soin de leurs enfants et/ou de leur partenaire et ce, « en plus des besoins essentiels comme se loger et veiller à la sécurité alimentaire ».

Selon les chercheurs, en l’absence de soins centrés sur les femmes, celles qui ont des antécédents d’abus pourraient être particulièrement vulnérables aux exigences concurrentes qui les privent de leur temps, de leur énergie et de leur capacité de prendre soin d’elles-mêmes.

Vers l’atteinte des cibles 90-90-90

La puissance du TAR pour réduire la propagation du VIH est tellement énorme que le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a fixé des objectifs que les villes, les régions et les pays devraient aspirer à atteindre d’ici 2020. Ces objectifs sont regroupés sous l’abréviation 90-90-90, qui veut dire :

  • 90 % de toutes les personnes vivant avec le VIH seront au courant de leur statut
  • 90 % de toutes les personnes diagnostiquées séropositives recevront un traitement antirétroviral continu
  • 90 % de toutes les personnes sous traitement antirétroviral auront bénéficié d’une suppression virale (elles auront atteint et maintenu une charge virale indétectable)

Si le Canada souhaite atteindre ces cibles, il devra intensifier ses efforts auprès des Autochtones et d’autres populations touchées par le VIH.

Cette étude britanno-colombienne fournit aux chercheurs le raisonnement nécessaire pour préparer une demande de financement pour une étude visant à déterminer pourquoi certaines personnes atteintes du VIH dans cette province ont besoin d’aide pour suivre fidèlement le TAR.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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