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Il y a près de 15 ans, les chercheurs de l’organisation de soins de santé intégrés (HMO) Kaiser Permanente de la Californie ont fait état d’un risque accru de crise cardiaque chez les personnes vivant avec le VIH. Dans leur rapport le plus récent, les chercheurs de Kaiser révèlent un changement étonnant : au cours des dernières années, le risque de crise cardiaque parmi les personnes séropositives a diminué, de sorte qu’il se situe maintenant au même niveau que chez les personnes séronégatives. Nous explorons maintenant leurs résultats et les raisons de ce changement.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont analysé des données tirées des dossiers médicaux des participants entre 1996 et 2011. Spécifiquement, l’équipe a comparé les données se rapportant à 24 768 personnes séropositives à celles provenant de personnes séronégatives du même sexe et d’âge semblable. Au total, des données portant sur 257 600 personnes séronégatives ont été utilisées. En général, les personnes séropositives inscrites à l’étude étaient majoritairement des hommes (91 % d’hommes, 9 % de femmes) et avaient environ 50 ans au moment de l’analyse la plus récente des données.

Au début de l’étude, les chercheurs ont constaté que les personnes séropositives étaient plus susceptibles de présenter certains facteurs de risque de maladies cardiovasculaires et d’autres maladies, comme suit :

Tabagisme

  • personnes séropositives : 45 %
  • personnes séronégatives : 31 %

Consommation de drogues

  • personnes séropositives : 16 %
  • personnes séronégatives : 5 %

Consommation excessive d’alcool

  • personnes séropositives : 11 %
  • personnes séronégatives : 7 %

Résultats : crises cardiaques et tendances

Un total de 320 crises cardiaques se sont produites chez les personnes séropositives, comparativement à 2 483 parmi les personnes séronégatives.

Au cours de la période de l’étude, les chercheurs ont constaté que le risque de crise cardiaque diminuait graduellement parmi les personnes séropositives. Le risque était très élevé au cours de la période initiale de l’étude (1996 à 1999), mais a diminué durant la période finale (2010 à 2011) pour atteindre le même niveau que chez les personnes séronégatives, comme suit :

  • 1996 à 1999 : risque deux fois plus élevé
  • 2010 à 2011 : aucun risque accru

Différences entre les risques cardiovasculaires

Se concentrant sur les années 2010 et 2011, les chercheurs ont remarqué les différences suivantes entre les personnes séropositives et les personnes séronégatives :

Absence d’élévation du cholestérol total

  • personnes séropositives : 30 %
  • personnes séronégatives : 39 %

Taux de bon cholestérol (HDL-C) inférieur à la normale

  • personnes séropositives : 39 %
  • personnes séronégatives : 26 %

Tension artérielle supérieure à la normale (hypertension)

  • personnes séropositives : 29 %
  • personnes séronégatives : 36 %

Tabagisme

  • personnes séropositives : près de 50 %
  • personnes séronégatives : 34 %

Toutes ces différences entre les deux groupes étaient significatives du point de vue statistique.

Différence intéressante

En décortiquant les dossiers médicaux, les chercheurs ont remarqué une différence majeure entre les deux groupes à l’étude : les personnes séropositives étaient plus susceptibles de prendre des médicaments pour aider à réduire leur risque de maladies cardiovasculaires, comme suit :

Thérapies contre les taux de cholestérol anormaux

  • Lors de la période initiale de l’étude, seulement 6 % des personnes séropositives prenaient ce genre de médicaments. Or, durant la phase finale de l’étude (2010 à 2011), leur proportion a atteint 32 %.
  • Parmi les personnes séronégatives, les chiffres correspondants étaient de 4 % et de 24 %.

Thérapies pour normaliser la tension artérielle

  • Initialement, 17 % des personnes séropositives prenaient des médicaments à cette fin. Ce chiffre a augmenté jusqu’à 35 % en 2010 et 2011.
  • Parmi les personnes séronégatives, les chiffres correspondants étaient de 14 % et de 31 %.

Changements liés à la thérapie anti-VIH

On utilise couramment l’acronyme TAR pour désigner les combinaisons de médicaments anti-VIH puissants. Lors de la période précoce de l’étude (1996 à 1999), 66 % des participants suivaient une TAR, et 65 % des utilisateurs de la TAR ont vu leur charge virale tomber sous le seuil des 500 copies/ml (une telle charge virale était considérée comme « indétectable » à l’époque). À ce moment-là, le compte de CD4+ moyen des personnes séropositives se situait à environ 400 cellules/mm3.

Ces chiffres contrastent avec ceux de la période plus récente de l’étude (2010 à 2011), alors que 90 % des participants suivaient une TAR et que 88 % avaient une charge virale sous la barre des 500 copies/ml. De plus, leur compte de CD4+ moyen s’élevait à un peu plus de 600 cellules/mm3.

Calculatrice du risque

La Framingham Heart Study est une étude américaine d’envergure qui a suivi des personnes séropositives sur une période de nombreuses années afin de déterminer les facteurs de risque de maladies cardiovasculaires possibles. Grâce aux résultats de cette étude, on a créé une calculatrice du risque (appelée parfois calculatrice du risque de Framingham; elle donne un score de Framingham quant à l’importance du risque) afin d’aider les médecins et les infirmiers à évaluer le risque d’événements cardiovasculaires graves chez leurs patients.

Lors de la présente étude californienne, les chercheurs ont constaté que, durant la période de 2010 à 2011, les personnes séropositives obtenaient en moyenne un score de risque de Framingham légèrement inférieur (9,5 %) à celui des personnes séronégatives (10 %).

Il est important de souligner que, selon d’autres équipes de recherche, il est probable que le score de risque de Framingham sous-estime le risque de maladies cardiovasculaires chez les personnes séropositives. Quoi qu’il en soit, aux fins de notre interprétation de l’argument global avancé par l’équipe de Kaiser, acceptons ce que les chercheurs ont découvert en évaluant le score de risque de Framingham.

Message principal

L’étude californienne nous révèle que l’ensemble des efforts visant à améliorer la santé globale peuvent réduire le risque de maladies cardiovasculaires chez les personnes séropositives.

Dépistage utile

Selon les chercheurs de Kaiser, lorsque les médecins inscrits à cette HMO voient des patients, leur ordinateur reçoit un avis électronique leur rappelant de vérifier les taux de cholestérol, la tension artérielle et la glycémie des patients. En détectant la présence d’affections et de risques cardiovasculaires chez leurs patients, les médecins peuvent intervenir pour améliorer la santé globale des patients et réduire les facteurs de risque de maladies cardiovasculaires. Le système médical informatisé de Kaiser encourage aussi les médecins à dépister le tabagisme et à aider leurs patients à arrêter de fumer.

Autres facteurs susceptibles d’avoir fait une différence

Selon l’équipe de recherche, comme la base de données de Kaiser a publié un des premiers rapports d’une étude par observation à signaler un risque accru de crise cardiaque parmi les personnes séropositives il y a près de 15 ans, il est probable que les professionnels de la santé œuvrant pour Kaiser étaient plus conscients de la nécessité de réduire les facteurs de risque cardiovasculaires.

Un autre facteur qui aurait pu jouer un rôle dans la réduction du risque de maladies cardiovasculaires parmi les personnes séropositives est la tendance vers l’amorce plus précoce de la TAR. Des données émergentes laissent croire que les personnes ayant une infection au VIH non traitée et un compte de cellules CD4+ relativement faible pourraient être plus à risque à l’égard de l’accélération des maladies cardiovasculaires.

Cette étude californienne compte des limitations : elle aurait dû fournir davantage d’informations détaillées sur le tabagisme et la consommation de drogues et d’alcool, y compris l’usage des prétendues drogues de rave. Il reste que l’étude Kaiser a donné lieu à une découverte importante, à savoir qu’il est possible de modifier de nombreux risques de maladies cardiovasculaires et que la réduction des risques se traduit en bienfaits mesurables, y compris une santé améliorée et un moindre risque de crise cardiaque.

Ressources

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Klein D, Hurley LB, Quesenberry CP, et al. Do protease inhibitors increase the risk for coronary heart disease in patients with HIV-1 infection? Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2002 Aug 15;30(5):471-7.
  2. Klein DB, Leyden WA, Xu L, et al. Declining relative risk for myocardial infarction among HIV-positive compared with HIV-negative individuals with access to care. Clinical Infectious Diseases. 2015; in press.
  3. Silverberg MJ, Leyden WA, Xu L, et al. Immunodeficiency and risk of myocardial infarction among HIV-positive individuals with access to care. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2014 Feb 1;65(2):160-6.
  4. Srinivasa S, Fitch KV, Lo J, et al. Plaque burden in HIV-infected patients is associated with serum intestinal microbiota-generated trimethylamine. AIDS. 2015; in press.
  5. Petoumenos K, Reiss P, Ryom L, et al. Increased risk of cardiovascular disease (CVD) with age in HIV-positive men: a comparison of the D:A:D CVD risk equation and general population CVD risk equations. HIV Medicine. 2014 Nov;15(10):595-603.