Le projet HOPE

États-Unis
2017

Une étude randomisée américaine1 a démontré qu’un soutien intensif et à court terme offert aux personnes hospitalisées qui sont séropositives et qui consomment des substances afin de les aider à naviguer le système de santé n’a aucun impact sur le taux de suppression de la charge virale.

L’étude : le projet HOPE

Ce programme de navigation du système de santé a été conçu pour les personnes séropositives qui consomment des drogues. Les participants ont été exclusivement recrutés des unités de malades hospitalisés dans différents hôpitaux. Les services de navigation du système de santé ont été offerts par du personnel de l’hôpital ayant une expérience en travail social, en gestion de cas, en planification des sorties ou en prestation de services de santé ou de prévention.

L’intervention comportait trois branches :

  1. Six mois de navigation du système de santé avec des incitatifs financiers
  2. Six mois de navigation du système de santé sans incitatifs financiers
  3. Traitement comme d’habitude

Les participants ayant pris part à l’intervention de navigation du système de santé (avec et sans incitatifs financiers) ont bénéficié d’un maximum de 11 séances avec un navigateur sur une période de six mois. Les navigateurs ont mis à profit les forces des clients et ont aidé à organiser les soins avec les cliniciens; ils ont passé en revue leurs informations médicales; les ont aidés à surmonter tout obstacle personnel à l’accès aux soins, y compris le transport et le gardiennage; ont offert du soutien psychosocial et les ont référéss. Les navigateurs ont accompagné les clients à leur premier traitement contre la consommation de substances et à leurs rendez-vous de soins liés au VIH.

Les participants qui ont obtenu des incitatifs financiers ont eu l’occasion de gagner pas moins de 1 160 $ US au cours de la période de six mois. Leur participation aux onze séances de navigation, leur présence aux rendez-vous à la clinique spécialisée en VIH et au programme de traitement contre la consommation de substances, leur devoir de soumettre des tests négatifs à l’alcool et aux autres substances, et de subir des tests d’analyses sanguines ainsi que d’avoir une ordonnance active pour le traitement du VIH, ont été récompensés par des incitatifs financiers. En outre, les participants qui observaient une réduction de leur charge virale et qui avaient une charge virale indétectable lors de leur rendez-vous de suivi six mois après avaient droit à ces incitatifs financiers.

Les participants faisant partie de la branche Traitement comme d’habitude ont été arrimés vers des soins liés au VIH et vers un traitement pour leur consommation de substances à l’aide des protocoles standards utilisés dans chacun des hôpitaux. Un membre désigné du personnel était responsable de prendre les rendez-vous de soins liés au VIH en consultation externe, et les participants obtenaient une référence par écrit pour un traitement pour leur consommation de substances.

La charge virale et d’autres mesures étaient prises au début de l'intervention, après six mois (à la fin de l’intervention) et un an après la fin de l'intervention.

Les résultats

Les participants ont été recrutés dans onze hôpitaux américains entre juillet 2012 et janvier 2014. Un total de 801 participants ont été répartis au hasard dans l’une des trois branches. Les participants étaient admissibles à l’étude à condition :

  • d’être des malades hospitalisés dans un hôpital et de vivre avec le VIH
  • de fournir de l’information sur la façon et l’endroit où les joindre
  • d’avoir signalé ou de posséder un dossier médical faisant état de leur consommation d’opioïdes, de stimulants ou de leur consommation excessive d’alcool
  • d’avoir une maladie définissant le sida; ou un compte de cellules CD4 de moins de 350 cellules/μL et une charge virale de plus de 200 copies/mL dans les six derniers mois; ou un compte de cellules CD4 de moins de 500 cellules/μL dans les douze derniers mois; ou une charge virale de moins de 200 copies/mL dans les douze derniers mois
  • d’être âgés d’au moins 18 ans et de parler anglais

Un tiers des participantes étaient des femmes, 78 % des participants étaient noirs et 38 % n’avaient pas de domicile stable au cours des six derniers mois. Trois quarts des participants avaient fait de la prison ou avaient été incarcérés en pénitencier à un moment de leur vie. La plupart des participants ont signalé consommer des stimulants (71 %) et de l’alcool (59 %). Une minorité des participants ont signalé consommer de la marijuana (45 %), des opioïdes (22 %) et des drogues de clubs (8 %).

Le paramètre d'évaluation primaire de l'étude était la charge virale indétectable. L’étude a conclu qu’il n’y avait aucune différence dans le taux d’indétectabilité à travers les trois branches de l’étude après 12 mois (six mois après la fin de l’intervention) :

  • branche Navigation – 36 %
  • branche Navigation, plus incitatifs – 39 %
  • branche Traitement comme d’habitude – 35 %

L’étude incluait également un certain nombre de paramètres secondaires d’évaluation. À six mois, contrairement à l’évaluation à douze mois, l’étude a démontré que, comparativement au groupe faisant partie de la branche Traitement comme d’habitude, le groupe Navigation, plus incitatifs était considérablement plus susceptible :

  • d’avoir une charge virale indétectable (46 % vs 35 %)
  • de signaler participer à ses rendez-vous de soins liés au VIH (87 % vs 67 %)
  • de signaler prendre ses médicaments contre le VIH (91 % vs 84 %)
  • de participer à un programme professionnel de traitement pour sa consommation de substances (31 % vs 18 %)

L’étude a également conclu que (à six mois, mais pas à douze mois), comparativement au groupe Traitement comme d’habitude, le groupe Navigation était considérablement plus susceptible de :

  • signaler participer à ses rendez-vous de soins liés au VIH (79 % vs 67 %)
  • de signaler prendre ses médicaments contre le VIH (84 % vs 77 %)
  • de participer à un programme professionnel de traitement pour sa consommation de substances (26 % vs 18 %)

Aucune différence n’a été constatée entre les différentes branches à six ou à 12 mois relativement aux tests de dépistage de drogues dans l’urine, aux journées durant lesquelles les participants ont déclaré avoir consommé des substances ni à la gravité de leur consommation de substances.

Qu’est-ce que cela signifie pour les fournisseurs de services canadiens?

Bien que cette étude n’ait pas signalé de différences à long terme relativement aux résultats pour la santé entre les participants ayant bénéficié de navigation et ceux n’en ayant pas bénéficié, elle a cependant démontré que lorsque les participants disposaient des services de navigation (avec et sans incitatifs financiers), ils réussissaient considérablement mieux que ceux qui suivaient le traitement comme d’habitude. Cette conclusion pourrait suggérer que les personnes vivant avec le VIH qui consomment des substances font peut-être face à des obstacles personnels et structurels pour l’accès aux soins (racisme, logement inadéquat, pauvreté) et qu’ils ont donc besoin de soutien continu afin d’aborder la question de leur santé et de leur bien-être et de parvenir à les améliorer. Les programmes de navigation au Canada, notamment les services de navigateurs pairs, le Programme de navigation pour problèmes de santé chroniques et le Programme d'entraide par les pairs adoptent cette approche et ne fixent aucune limite quant à la durée de la participation.

Ressource

La navigation du système de santé : un examen des données probantesPoint de mire sur la prévention

Référence

Metsch L, Feaster DJ, Gooden L, et coll., Effect of patient navigation with or without financial incentives on viral suppression among hospitalized patients with HIV infection and substance use: a randomized clinical trial, Journal of the American Medical Association, 2016 Jul 12;316(2):156–70.